A l’extrême opposé des séductrices « influenceuses » pulpées et semi-nues d’aujourd’hui, voici le début d’une belle déclaration d’amour chantée en 1960 par Jean Ferrat (un chanteur que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître), à l’attention de « sa môme »; sa gonzesse, quoi :

Ma môme, elle joue pas les starlettes,
Elle met pas des lunettes
De soleil,
Elle pose pas pour les magazines,
Elle travaille en usine
A Créteil

C’était l’époque où on pouvait être heureux et fier d’être ouvrier. C’était un métier dur mais digne, parce que l’ouvrier se savait utile. Son travail avait un sens, ses mains de la valeur . Il était attaché à la noblesse du travail bien fait, et le patron, non sans condescendance, savait exprimer sa reconnaissance à ces hommes et ces femmes, maillons indispensables, qui composaient le fleuron de son entreprise, et dont les enfants prendraient sans doute la suite. Oui, à cette époque, les enfants pouvaient rêver d’être ouvrier. C’était une bonne « situation ».

Aujourd’hui l’ouvrier n’est plus qu’une chair à trimer, qui se fera jeter comme un chien au bout de 25 ou 30 ans de bons et loyaux services passés à payer les Rolex des  patrons et des actionnaires, avec pour toute reconnaissance un coup de pied au cul vers la sortie.

Qui peut encore rêver de ce métier-là ?…

N’a-t-on pas même rayé ce mot du vocabulaire du salariat, pour lui substituer tout un tas de périphrases alambiquées ? Tout, plutôt que se faire appeler « ouvrier ».

En 1960 le peuple français était ouvrier. Aujourd’hui il est au chômage. Le peuple français vivait chichement. Aujourd’hui il vit en surendettement. Mais avec piscine dans le jardin, home cinéma dans le salon, télé dans chaque chambre, climatisation et frigo américain. Enfermé entre les quatre murs de sa maison et les quatre haies de son lopin. Isolation garantie du monde extérieur.

Ma pauvre Arlette, la classe ouvrière n’existe plus… Et on a oublié Jean Ferrat.

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