75 ans


Humeurs / dimanche, 26 janvier, 2020

Si on suit un peu l’actualité, on ne peut pas manquer l’information : il y a 75 ans le  camp d’Auschwitz était libéré. En même temps ont été libérés les 3% de personnes qui y avaient été envoyées et s’y trouvaient encore. Les 97 autres %, …..

Des Juifs pour la plupart ; et d’autres.

On a beaucoup médiatisé la commémoration en Israël de cet événement, en hommage aux millions de Juifs exterminés.

Et les autres ?…

Les opposants politiques (y compris allemands), les résistants (ceux qu’on n’avait pas fusillés), les homosexuels (triangle rose !), les gitans…

La plupart des déportés ont été gazés tout de suite ; d’autres sont restés dans la fange immonde pendant des mois. Certains sont revenus d’entre les morts; sans pouvoir vraiment revenir dans le monde des vivants. Ils sont revenus du néant où l’horreur n’avait aucun répit, où chaque minute était une agonie, où chaque heure passée était une heure gagnée sur la mort. « Comment ai-je pu rester vivant(e) cette fois encore ? ».

Ces victimes, mortes ou « en vie », étaient, dans une écrasante majorité, des Juifs. Mais n’oublions pas la minorité des autres. Honorons la souffrance de chacun.

Quelques uns ont témoigné, par écrit, parce que parler était impossible, et pour ne pas affronter l’incrédulité des biens portants. Donnons la parole à ceux dont on n’a pas parlé dans les médias en ce sinistre anniversaire :

Extrait de « Aucun de nous ne reviendra », par Charlotte Delbo, résistante :

Le hurlement se brisait et dans le silence on entendait les sanglots isolés. Elles s’affaissaient. Abattues, résignées peut-être. Ce n’était plus que des yeux creux. Un parterre d’yeux creux.
Bientôt, elles n’en pouvaient plus d’accepter, de se résigner. Un hurlement montait, plus sauvage, montait et se brisait et le silence retombait avec les sanglots et les yeux creux du désespoir.

Extrait de « Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel », par Pierre Seel (lecteurs sensibles s’abstenir) :

Un jour, les haut-parleurs nous convoquèrent sur la place de l’appel. Hurlements et aboiements firent que, sans tarder, nous nous y rendîmes tous. On nous disposa au carré et au garde-à-vous, encadrés par les SS comme à l’appel du matin. […]
Au centre du carré que nous formions, on amena, encadré par deux SS, un jeune homme. Horrifié, je reconnus Jo, mon tendre ami de dix-huit ans. Je ne l’avais pas aperçu auparavant dans le camp. Je me figeai de terreur. J’avais prié pour qu’il ait échappé à leurs rafles, à leurs listes, à leurs humiliations. Et il était là, sous mes yeux impuissants qui s’embuèrent de larmes. […]
Puis les haut-parleurs diffusèrent une bruyante musique classique tandis que les SS le mettaient à nu. Puis ils lui enfoncèrent violemment sur la tête un seau en fer blanc. Ils lâchèrent sur lui les féroces chiens de garde du camp, des bergers allemands qui le mordirent d’abord au bas-ventre et aux cuisses avant de le dévorer sous nos yeux. Ses hurlements de douleur étaient amplifiés et distordus par le seau sous lequel sa tête demeurait prise. Raide et chancelant, les yeux écarquillés par tant d’horreur, des larmes coulant sur mes joues, je priai ardemment pour qu’il perde très vite connaissance.

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