JE FAIS DE LA PHOTO


Vie quotidienne / lundi, 16 juillet, 2018

L’appareil photo numérique a cet avantage de prendre des bonnes photos dans n’importe quelle situation et entre n’importe quelles mains. Il a permis à Mr Tout le Monde d’approcher de plus ou moins loin le plaisir de l’art photographique.

S’extasie-t-on de cette belle image qu’on a réalisée soi-même ?…   …et l’on se prend à rêver qu’on a peut-être un don ! Pour peu que vos proches s’extasient aussi de façon récurrente, vous deviendrez vite celui dont on dit : « il fait de bonnes photos ! ». C’est ce qui vous autorisera à affirmer non sans vanité, même dissimulée, « je fais de la photo ».

 

La réussite d’une photo numérique ne tient pas à la qualité, mais à la quantité.

Sur les dizaines, les centaines, voire les milliers de photos que vous permet de prendre l’appareil numérique dans une journée, vous trouvez toujours les quelques unes qui vous confortent dans vos aptitudes de photographe un peu meilleur que les autres. Or la quantité est à la portée de tous. Il y a ceux qui en prennent la peine, et ceux qui s’en fichent. C’est la différence entre « ceux qui font des bonnes photos », et ceux qui n’en font pas.

 

En société, celui qui fait de la photo est muni d’un appareil à gros objectif, imitation reflex, qui lui sert de carte de visite : « moi, je fais de la photo ». Ca lui confère le droit de canarder tout le monde en gros plan et à tout moment, tout en jouissant du sourire faussement bienveillant de ceux qui aimeraient qu’on leur fiche la paix.

Celui qui fait de la photo ne participe pas à la fête, ne profite pas du paysage ni de ses amis : il fait de la photo. Il sacrifie l’instant présent pour immortaliser le souvenir de ce qu’il n’aura finalement pas vécu.

 

Souvent célibataire, celui qui fait de la photo n’est pourtant jamais seul : il jouit toujours de la compagnie de son appareil, de préférence en bandoulière, le télé objectif à la limite de l’arrogance. Il erre parfois dans les villes, sans amis, mais c’est normal : il s’accommode volontiers de la solitude, car elle lui permet de se concentrer sur le sujet insolite que le passant ordinaire ne remarquera pas.

 

Aujourd’hui, le « moi je fais de la photo » n’a pas de sens. Car tout le monde fait des photos. Même plus besoin d’appareil : l’i-phone fait aussi bien l’affaire. Cette prétention est juste l’apanage de ceux qui croient le faire mieux que les autres.

 

Et moi aussi, j’aimerais bien « faire de la photo ».

Une réponse à « JE FAIS DE LA PHOTO »

  1. Petite anecdote en passant : en novembre dernier nous partons en Belgique pour un salon, avec deux copines dont une n’est pas peintre mais juste accompagnante. Pendant que nous faisons le planton sur nos stands, elle part visiter Bruges, armée de son camescope. Le lendemain, elle rentre, un peu dépitée de n’avoir pas vu certains musées, qui étaient fermés. Nous lui demandons, étonnées, pourquoi elle n’est pas restée un jour de plus ? la réponse me laisse pantoise : « pas possible, la batterie du camescope était à plat et j’avais oublié mon chargeur ! « 

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